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Retail Invest Strategy : Projet de Directive RIS, où en est-on ?

Vers une nouvelle ère pour la distribution des produits d’investissement en Europe ?

Le projet de Directive RIS (Retail Investment Strategy Directive) a été publié le 24 mai 2023. Applicable à l’ensemble des produits d’investissement, tant assurantiels que financiers, ce texte, ambitieux et inédit, - tant dans la forme que dans le fonds -, a entériné la logique transectorielle déjà amorcée par les réglementations PRIIPS et SFDR/Taxonomie, intéressant l‘ensemble des produits d’investissement.

S'inscrivant ainsi dans la mise en œuvre du Plan d'Action de l'Union des Marchés de Capitaux (CMU) de 2020, le projet de Directive RIS adopte une logique « omnibus » particulièrement large puisqu’il s’agit de réviser la plupart des textes européens applicables au secteur financier et ce, de la directive MiFID2, en passant par la directive AIFM, la directive OPCVM, les réglementations DDA et Solvabilité 2. Ce projet introduit ainsi un bouleversement de paradigme, passant d’une logique de conseil morcelée selon les produits d’investissement distribués, à un conseil désormais unifié et portant sur l’ensemble des classes d’actifs, remettant en cause et à terme, le modèle français de la distribution financière.

Le projet de Directive RIS a ainsi fait l’objet, - dès son origine -, de controverses en introduisant (i) un encadrement très renforcé des conditions de rétrocessions avec une possibilité d’interdiction de ces dernières à un horizon de trois ans après l’entrée en vigueur du texte (ii), la notion désormais bien connue de « Value for money », - mettant, au centre du conseil, le rapport coût/rendement du produit d’investissement et (iii) l’établissement d’un « Benchmark » européen concernant l’ensemble desdits produits.

Ces controverses, qui se poursuivent actuellement, vont presque de soi, dès lors que le projet de Directive est de facto une remise en cause des grands principes français de commercialisation des actifs financiers : rétrocessions de commission, gestion active et primauté du conseil. Sur ce dernier point, l’on pense évidemment aux choix du législateur français, qui, - à l’encontre les textes européens -, a toujours fait le choix d’interdire la distribution de produits sans conseil préalable, introduisant en 2003 la notion de « conseiller en investissements financiers », refusant de mettre en place un statut français de « Third Party Marketer », et « oubliant » la possibilité laissée par la directive DDA de faire de la distribution de produits d’assurance sans conseil. Et c’est peut être cela qui sera, à terme, remis en cause par le projet de Directive RIS.

A cela plusieurs raisons.

Le marché français de la distribution de produits d’investissement est un marché où les coûts de gestion sont traditionnellement élevés. Elevés pour de multiples raisons, qui tiennent, notamment, à la qualité de la gestion proposée ainsi qu’à la structure de la rémunération des gestionnaires de fonds salariés. Et c’est bien ce modèle qui permet, - justement-, de maintenir des marges arrière suffisamment élevées pour conserver un maillage de la distribution sur tout le territoire français, hors réseau bancaire. C’est un modèle qui permet, ainsi et au plus grand nombre, de bénéficier d’un conseil, qui présente certes ces imperfections, mais qui a le mérite d’être bien là, et pour tous, - du médecin libéral à la gestion des grandes fortunes. C’est également un modèle qui donne la possibilité à tous d’avoir accès à des produits qui ne suivent pas que les indices (l’on pensera aux ETFs) mais qui ont, également et fondamentalement, la possibilité de surperformer, tout en laissant au centre des choix de gestion, la présence de l’humain, celui du gérant de fonds, loin des algorithmes qui rythment la gestion passive.

Or et en introduisant le concept de « Benchmark », le projet de Directive RIS implique de mesurer les coûts des produits par référence aux produits similaires et/ou équivalents sur un marché européen étendu (pricing process). Ce pricing process, suivi par les producteurs de produits et vérifié par les distributeurs, consistera à être capable de s’assurer que l’ensemble des coûts de tel ou tel instrument financier seront justifiés et proportionnés au regard, notamment, de la performance du produit. A niveau macro, le pricing process impliquera également de se comparer aux autres produits d’investissement européens, produits qui n’ont pas nécessairement le même type de coûts. Un désavantage concurrentiel évident.

Par ailleurs, et dans sa dernière mouture, le projet de Directive RIS a abandonné l’idée de ne pas rémunérer le service de réception-transmission d’ordres (service par définition sans conseil), ce qui ne pourra que favoriser l’émergence de nouveaux modèles de distribution via des plateformes basées uniquement sur de l’execution-only (que cela soit sur des fonds ou des titres vifs) et ce, à destination du plus grand nombre. Le concept de conseil, placé au centre de la réglementation financière à la française, perdra alors nécessairement de sa superbe.

Enfin, la clause de « revoyure » à trois ans n’a pas disparu du texte en sa dernière version, dernière version qui ne fait que retarder l’échéance à cinq ans. Rappelons que cette clause prévoit qu’une implémentation insatisfaisante de la directive RIS dans les Etats membres, pourra entraîner une interdiction, cette fois-ci bien réelle, des rétrocessions de commissions.

Les espoirs de la Place Financière de Paris de voir le projet de Directive « adouci » sont donc quelque peu réduits à l’heure actuelle. Car le « vanillage » du texte, qui semblait avoir été amorcé fin 2023 avec le rapport de la députée européenne Stéphanie Yon-Courtin, a été quasi abandonné. Là où la députée européenne proposait de revenir à des Benchmarks nationaux, le conseil européen est revenu sur le texte d’origine, la notion de « Value for Money » est bien confirmée et la clause de revoyure à cinq ans ne reste in fine qu’un pis-aller…

Si nous ne devons pas attendre à voir une version finale de la législation de niveau 1 avant 2025, il ne faut pas perdre de vue que cette réglementation rentrera probablement en vigueur en 2026/2027, soit demain !

Émilie Mazzei

Avocate au barreau de Paris

16/07/2024

Tylia est une entreprise d’investissement indépendante agrée Prestataire de Services d'Investissement (PSI) par l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) de la Banque de France, CIB 11483.

TYGROW est agréée société de gestion par l'Autorité des Marchés Financiers sous le numéro GP-20226

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